Les vêtements de seconde main, plus propres que les vêtements neufs.

Yves Saint Laurent disait « La mode passe, le style reste. »

La mode passe certes, mais l’impact environnemental et social de la production de textile reste aussi.

Avec plus de 100 milliards de vêtements qui sont vendus dans le monde chaque année (2,6 milliards en France), nous avons voulu nous interroger sur les conséquences de cette production, qui a doublé de 2000 à 2014. Des matières synthétiques (plastique) à la consommation massive d’eau ; des rejets importants de CO2 à la consommation énorme de produits chimiques et toxiques, l’industrie du textile est loin de filer du bon coton. Alors, sans mauvais jeu de mot, pour détricoter les conséquences de la production textile, nous avons voulu faire un premier focus sur les produits toxiques et leurs conséquences sur 3 aspects :

  • Notre environnement
  • Nos ressources
  • Notre santé

Avant d’évaluer les conséquences, il faut savoir que des milliers de produits chimiques sont utilisés dans différentes phases et différents procédés de la fabrication. Par exemple, on compte pas moins de 7 000 composants chimiques qui interviennent pour la fabrication d’un t-shirt en coton.

Nous allons énoncer leurs noms indigestes cette seule et unique fois. Ces produits chimiques dont nous allons parler sont, entre autres, les éthoxylates de nonylphénols, les phtalates (liés à l’utilisation de PVC dans des impressions, par exemple), les métaux lourds, les alkylphénols (utilisés pendant le lavage et la teinture), le formaldéhyde, les amines, ou encore les substances perfluorées (utilisés dans des traitements finaux comme anti-tâche ou imperméabilisation).

Mais déjà, d'où viennent les produits toxiques ?

L’ADEME, agence de la transition écologique, a résumé en une image les problématiques qui interviennent durant les différentes étapes de la production textile.

Les différentes étapes sont très bien expliquées, de manière claire et synthétique dans leur article ci-dessus, nous n’aurions pas mieux fait.

Une précision néanmoins ici sur le coton. Nous parlons surtout des cotons non-biologiques, des cotons génétiquement modifiés qui nécessitent des quantités considérables d’eau, de pesticides et d’insecticides. Contrairement au coton biologique, moins gourmand en eau et moins dévastateur pour les sols et les agriculteurs.

La synthèse des fibres, pour les matières synthétiques, correspond à la transformation des matières plastiques en fibre textile. Les fibres synthétiques représentent plus de 65% de toutes les fibres textiles. Elles sont moins chères et plus résistantes. Le volume de production de ces fibres augmente, non pas au détriment des fibres naturelles, mais parce que la production totale augmente.

L’ennoblissement, quant à lui, sert à apporter la couleur ou la finition voulue par des traitements, et nécessite donc de nombreux produits chimiques. Ça peut être par exemple pour éviter les faux plis, des anti-tâches, pour fixer les couleurs, imperméabiliser, pour avoir des tissus plus résistants, … Autant de traitements qui contiennent des produits chimiques toxiques.

Les teintures chimiques sont, en l’occurrence, un gros point noir dans ces enjeux environnementaux et sanitaires de l’industrie textile. Elles contiennent des métaux lourds et font intervenir des solvants. C’est un désastre écologique et sont utilisées pour la plupart de nos vêtements, un t-shirt blanc est un t-shirt teint.

Maintenant que nous savons que les produits chimiques, toxiques, existent en grande quantité et qu’ils interviennent tout au long du processus de production, il est temps de détailler les conséquences de ces derniers sur les 3 aspects précédemment énumérés : l’environnement, nos ressources et notre santé.

I. Les conséquences des produits chimiques sur notre environnement

Si nous commençons par l’amont de la chaine, les produits chimiques sont utilisés pour préparer les matières. Notamment pour l’agriculture et la culture du coton.

« De tous les insecticides vendus dans le monde, la culture du coton représente 16,5% en 2013. Pour les pesticides c’est 5,7% et pour les fongicides 1%. » WeDressFair.

Lorsqu’ils sont utilisés, les produits chimiques entrent directement au contact du sol, en aspergeant la terre ou par les courants d’eau. Ça cause des dégâts pour la fertilité des terres mais également sur l’eau potable. En plus de tuer les nutriments des sols, et donc les rendre de moins en moins fertiles, les pesticides sont comme de la drogue, plus le sol en reçoit, plus il va en a besoin, c’est un cercle vicieux.

« On peut prédire la nouvelle couleur à la mode en regardant celle des rivières de la Chine. » Orsola de Castro, co-fondatrice du mouvement Fashion Revolution

Les conséquences des produits chimiques sur l’environnement ne s’arrêtent pas là. Si on regarde la production, nous pouvons faire un focus sur les teintures. Les teintures chimiques sont responsables de 20% de la pollution des eaux dans le monde.

Lors du process de teinture du vêtement, 20% de la teinture ne s’accroche pas et est rejetée au rinçage. On estime entre 40 000 à 50 000 tonnes de colorants qui sont rejetés dans les cours d’eau chaque année. Le déversement des teintures dans les rivières ont des conséquences dramatiques pour la faune et la flore. Cette pollution dans les rivières rend l’exploitation agricole et la pêche impossible aux alentours.

La pollution des vêtements ne s’arrête pas à la production. Une des plus importantes pollutions se passe chez nous, lors du lavage. Un vêtement en fibre synthétique continu de libérer du plastique tout au long de son cycle de vie. À chaque lavage, ces derniers rejettent des milliers de microparticules de plastique, tellement fines qu’elles ne sont pas filtrées par les stations d’épuration et vont directement dans les océans. Les microparticules inondent les océans et détruisent la biodiversité.

Chaque année, 50 000 tonnes de microparticules de plastique sont relâchées dans les océans, ça équivaut à 50 milliards de bouteilles plastiques

II. L'utilisation de produits chimiques nécessite de puiser dans nos ressources limitées.

Nous continuons de dresser le constat des conséquences des produits chimiques dans l’industrie textile, en faisant un tour du côté de l’utilisation de nos ressources naturelles limitées.

En commençant par l’amont de la chaine une nouvelle fois, petit point sur le coton génétiquement modifié. Près de 20 000 litres d’eau sont nécessaires pour produire seulement 1 kilogramme de coton non biologique (qui nécessite des produits toxiques donc). Cette eau est récupérée « grâce » au détournement de l’eau des rivières, des lacs et des nappes phréatiques. Indéniablement, ces techniques assèchent nos sols et épuisent nos ressources.

Aujourd’hui, 70 % des fibres synthétiques produites dans le monde proviennent du pétrole.

La base des fibres synthétiques, constituée avec des procédés purement industriels qui nécessitent des composés chimiques, est majoritairement à base de pétrole. Cette ressource, en plus d’être de l’énergie morte, est une ressource limitée non renouvelable. La production de ces textiles synthétiques est une production de plastique.

L’utilisation massive de nos ressources naturelles limitées se trouve également en fin de chaine. Au moment d’enlever toute trace de produit chimique sur les vêtements, de nombreux lavages sont nécessaires. Et ces lavages nécessitent également une quantité d’eau importante.

III. Les conséquences des produits chimiques sur les travailleurs et les utilisateurs.

L’utilisation de produits chimiques toxiques porte atteinte en premier lieu à la santé des travailleurs. Ces derniers sont en contact direct avec les produits. A commencer par la culture du coton. Des études ont montré l’augmentation des cancers et malformations à la naissance chez les personnes dans les régions où la culture du coton non biologique est très présente. L’utilisation des engrais, pesticides et insecticides, pour protéger et accroitre le rendement de la culture, se retrouve notamment dans les eaux potables, qui est ensuite bue par les habitants.

Il en va de même pour les vêtements conçus à partir de matériaux synthétiques. Ils sont fabriqués à partir de produits chimiques toxiques. En étant au contact de ces produits, les travailleurs sont exposés à toute sorte de problèmes de santé, des infections et des cancers.

Par exemple, certains vêtements sont vaporisés de formaldéhyde pour prévenir la formation de moisissure et d’usure pendant le transport. L’exposition à forte répétition de ce produit provoque réactions allergiques. Tout comme certains allergènes qui sont utilisés. Ils entrainent des réactions allergiques, comme de l’eczémas, des boutons, des rougeurs.

Les produits synthétiques ont un autre problème. Nous avons vu qu’ils rejettent des microparticules de plastique au lavage, et que ces microparticules sont présentes en milliers de tonnes dans les océans. Ces microparticules entrent dans notre chaine alimentaire en étant ingérées par les poissons et crustacés, que nous consommons ensuite.

Une fois produits, nous portons ces vêtements, qui ont été en contact direct des produits chimiques. Ces produits se propagent sur notre peau lorsque nous portons le vêtement, ce qui entraine des problèmes comme, par exemple, la dermatite, les allergies, ou encore la sensibilité chimique multiple.

Ce n’est pas pour rien qu’on conseille fortement aux parents des matières naturelles (coton bio) pour leur nouveau-né. Également, il est conseillé de laver son vêtement avant le premier usage.

En conclusion, que fait-on ?

En Union Européenne, la réglementation REACH tend à contrôler l’utilisation de produits toxiques, mais premièrement ça reste très difficile à évaluer et deuxièmement ce n’est pas applicable aux fabrications hors UE.

Fort heureusement, il existe de plus en plus d’alternatives.

  • Privilégier les matières naturelles, moins gourmandes en eau et en engrais, comme le lin, le chanvre, le coton bio. Mais aussi les matières recyclées, qui en plus d’être moins énergivores, elles utilisent les déchets plastiques pour les revaloriser.
  • Les labels sont là pour garantir la qualité des matières et/ou le respect d’un processus de production : Ecolabel, GOTS, Oeko – Tex Standard 100, …
  • Certaines marques développent également des alternatives dans les processus de fabrication, comme de la teinture végétale, des colorants extraits de déchets alimentaires, avec de la peau carotte ou d’avocat par exemple.

Et bien évidemment, favoriser la seconde main. Passer la seconde permet de limiter la production de vêtements neufs. En limitant la production de vêtements neufs, les produits chimiques sont également limités. Par ailleurs, en ayant déjà été lavés, la présence de ces produits sur les vêtements disparait petit à petit et sont donc moins agressifs au contact de notre peau.

La seconde main se retrouve chez Loca Loca, mais elle se pratique aussi au sein de nos cercles familiaux et amicaux. Alors pourquoi pas échanger quelques vêtements contre un bon gratin maison ?

Écrit par Annouck Blanchouin – 16/04/2021

Sources 

https://www.linfodurable.fr/conso/7000-10-000-litres-deau-sont-necessaires-pour-fabriquer-un-jean-comment-arreter-les-frais#:~:text=Il y a aussi la,10 000 litres d’eau.
https://www.lesoptimistes.fr/fibres-et-tissus-synthetiques/#:~:text=Les fibres synthétiques sont fabriquées,impact néfaste sur l’environnement.
https://www.wedressfair.fr/blog/teinture-et-procedes-de-transformation
https://www.wedressfair.fr/blog/pourquoi-la-mode-est-elle-polluante https://www.muudana.com/fabrication-tshirt-coton/#:~:text=Saviez-vous que 7 000,ou du peroxyde d’hydrogène.
https://www.nature.com/articles/s41561-019-0335-5
https://www.nationalgeographic.fr/environnement/2019/06/microplastiques-un-impact-encore-largement-meconnu
https://advances.sciencemag.org/content/advances/3/7/e1700782.full.pdf
https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0269749119353643
https://ejfoundation.org/resources/downloads/the_deadly_chemicals_in_cotton.pdf
https://www.ellenmacarthurfoundation.org/assets/downloads/publications/A-New-Textiles-Economy_Full-Report_Updated_1-12-17.pdf
https://news.un.org/en/story/2019/03/1035161
https://www.icac.org/LearningCorner/LearningCorner?CategoryId=1&MenuId=14
https://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/le-revers-de-mon-look.pdf
https://www.lefigaro.fr/environnement/2011/08/23/01029-20110823ARTFIG00459-un-produit-toxique-impregne-dans-des-vetements-neufs.php
https://fashionunited.fr/actualite/mode/la-toxicite-textile-que-se-cache-t-il-dans-vos-vetements/2017062913118
https://www.youtube.com/watch?v=4iEEDsU7YX8
https://www.lefigaro.fr/environnement/2011/08/23/01029-20110823ARTFIG00459-un-produit-toxique-impregne-dans-des-vetements-neufs.php
https://fashionunited.fr/actualite/mode/la-toxicite-textile-que-se-cache-t-il-dans-vos-vetements/2017062913118
https://www.klow.co/blogs/klow/consequences-fast-fashion-sante-environnement
https://multimedia.ademe.fr/infographies/infographie-mode-qqf/